De la beauté avant toute chose…
« La musique liturgique atteint sa plénitude et sa beauté quand elle est assez humble pour d’intégrer à l’ensemble , pour devenir un élément de la liturgie avec toutes les exigences que cela implique ( Michel Veuthey, La chorale au coeur de l’assemblée op.cit., p.217)
LE CHANT RELIGIEUX ET LE CHANT SACRÉ : TOUS LITURGIQUES ?
Tout chant ne répond pas aux attentes de la liturgie. « Chanter la liturgie » n’est pas chanter un certain nombre de chants « religieux » ou « sacrés » au cours de la célébration liturgique.
Ces deux termes, religieux et sacrés, ne sont d’ailleurs pas de bons critères pour parler du chant liturgique. Tout chant qui s’inspire d’éléments propres à la religion devient nécessairement un « chant religieux ». Tout chant liturgique appartient à l’univers assez vaste du chant religieux, qui comprend par exemple la chanson religieuse et le chant catéchétique, mais tout chant religieux n’a pas sa place dans la liturgie !
Ce n’est pas non plus parce qu’un chant appartient à la catégorie du « sacré » qu’il peut trouver place dans une célébration liturgique. Cette catégorie du « chant sacré » est complexe. Tout d’abord, nous ne disposons d’aucun critère musical pour dire qu’une musique est sacrée et qu’une autre ne l’est pas. Ce terme est apparu au début du XVIIe siècle dans le milieu luthérien d’Allemagne du Nord pour distinguer le répertoire de la musique d’église de celui de la musique profane.
LE BON CHOIX DU CHANT
Le bon choix sera toujours sous la responsabilité des programmateurs.
On devra ne pas se contenter d’impressions ! (ça me plaît, c’est vivant, ça marche…), mais confronter tel chant précis à ce que la liturgie de l’Eglise dit, dans la PGMR, de l’acte de chanter à tel moment de la célébration.
Regarder le texte de près : se contente-t-il d’exprimer des sentiments religieux ou imprime-t-il dans le cœur des fidèles une attitude qui construit et nourrit l’assemblée célébrante ? Analyser la mélodie en écoutant l’enregistrement ou, mieux, en la chantant : ressemble-t-elle a une agréable chanson passagère (voire à une chansonnette) ou bien a-t-elle assez de corps et de tenue pour réunir les fidèles en une seule assemblée qui est le Corps chantant du Christ ?
Toute musique a un rythme, à deux, à trois, à quatre temps… mais s’intègre dans un rythme qui est plus large qu’elle : le grand rythme de la célébration.Il est bon que certains chants soient introduits par un prélude (si l’organiste le peut). C’est le cas du chant d’ouverture, du chant d’action de grâce, voir du refrain du psaume ou de l’Agneau de Dieu. En revanche, un Gloire à Dieu ou un »Saint, le Seigneur » doit commencer dans l’unanimité, sans autre préparation que la note (ou l’accord) initial.
L’animateur de chant doit faire en sorte que l’assemblée entonne elle-même les chants qui lui reviennent. C’est le cas des chants précédés d’un prélude, mais aussi des autres. Dans le cas particulier du « Saint, le Seigneur », le rythme de la célébration peut être complètement brisé si l’assemblée ne sait pas quelle mélodie elle va chanter. Il y a donc intérêt à n’en pas changer tous les dimanches.Le nombre des couplets d’un chant influe sur le rythme de la célébration.
Le chant n’est donc pas déterminable une fois pour toutes. Il peut dépendre de la longueur de l’action qu’il accompagne (procession d’entrée ou de communion…). Du moins peut-on dire qu’un seul couplet ne suffira jamais à faire une bonne ouverture et que trop de couplets l’alourdiraient. En revanche, une seule strophe peut suffire pour un chant d’action de grâce après la communion.
LES CHANTS DE LA MESSE
LE CHANT D'ENTRÉE
En entrant à l’église pour la messe, nous avons pu nous saluer, échanger des nouvelles, nous accueillir les uns les autres. Nous nous sommes préparés le cœur par une brève prière personnelle.
Le chant d’entrée qui ouvre la célébration va aider l’assemblée à prendre corps. Que ce chant soit accompagné à la guitare ou à l’orgue, qu’il soit en français ou en latin, peu importe. L’essentiel est qu’il soit prière commune.
Le but de ce chant n’est pas d’être écouté. Chacun est invité à s’y associer pour former l’assemblée. Ce chant aide à resserrer les rangs, à tisser des liens pour s’adresser ensemble à Dieu.
Le chant d’entrée crée une communion entre ceux qui, auparavant, étaient dispersés et étrangers les uns aux autres.
En chantant ensemble, les chrétiens se mettent dans les pas de leurs frères du premier siècle: » Ils étaient fidèles à la fraction du pain… ils mettaient tout en commun… ils louaient Dieu » ( Actes 2, 42-47).
LE PROCESSIONAL DE COMMUNION
Ce chant est hautement symbolique ; on chante pour exprimer l’unité entre les communiants par l’unité des voix ; tous s’avancent pour avoir part au même pain ; ce sera donc un chant qui fait monter en nous la joie, joie qui réjouit notre cœur émerveillé devant un si grand mystère, joie de faire un seul corps ; mystère qui tourne nos cœurs vers l’amour de Dieu et de nos frères. C’est ici que l’on pourra intégrer l’alternance refrain-couplets, et instruments intégrés à cette alternance.
LE CHANT D'ENVOI
Il sera un déploiement du » Nous rendons grâces à Dieu » Le Missel Noté parle de » Bouquet final » !
LES » ORDINAIRES » DE LA MESSE
Les chants de « l’ordinaire » sont des chants qui reviennent chaque dimanche par opposition aux chants « propres » à un dimanche.
Le KYRIE
Ici, il s’agit moins d’un « examen de conscience », que de se détourner de nous-mêmes pour nous tourner vers Dieu en tant que peuple convoqué par Dieu ; il s’agit davantage d’une prise de conscience de notre situation par rapport à Dieu qui nous aime ; nous sommes un peuple de pécheurs sauvés ; la pénitence est d’abord un regard sur l’autre et quel autre !
LE GLORIA
Il faut alors rappeler que, dans la célébration, la musique est d’abord au service d’un texte et d’une action rituelle : chanter le Gloire à Dieu est un rite spécifique au sein de la célébration, qui ne dépend pas musicalement du Sanctus ou d’une autre pièce de « l’ordinaire ». Il faut donc considérer chaque Gloire à Dieu comme une pièce en soi et ne pas se sentir obligé de prendre tout « l’ordinaire de la messe » dont il pourrait faire partie.
L'ALLÉLUIA
Toutes les musicalisations sont possibles; c’est un geste acclamatoire ! Il a pour fonction d’acclamer l’Evangile; Il est quasi indispensable de chanter le verset encadré par l’Alléluia, car la lecture provoque une « chute du régime sonore et l’on n’a quasi plus envie de reprendre le chant! On ne reprendra pas l’Alléluia après l’Evangile; il est important d’acclamer la parole en disant « Louange à toi Seigneur Jésus » : nous le reconnaissons présent dans la parole proclamée.
LE CREDO
L’image de l’unité de l’Église se trouve renforcée lorsque toute une assemblée proclame à l’unisson un texte qu’elle reconnaît comme le cœur de sa foi. Beaucoup ont encore sans doute dans leur mémoire le chant du Credo III grégorien lors de grands rassemblements de chrétiens. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas l’acte lui-même, c’est-à-dire proclamer un grand texte à l’unisson – et à plus forte raison en latin ! -, qui est perçu comme symbole d’unité plutôt que le contenu doctrinal de ce texte qui n’a pas été composé pour la messe mais plutôt pour réagir à des hérésies. Celui-ci est d’ailleurs avant tout théologique et il n’est en aucune manière lyrique. Ceci posera d’ailleurs la question de savoir s’il faut chanter ce texte.
LA PRIÈRE UNIVERSELLE
« Dans cette fonction, c’est le peuple qui exerce sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes » L’assemblée est invitée à exprimer sa supplication, soit par une invocation, soit par une prière silencieuse (Missel Romain)
LA PRESENTATION DES DONS
Aujourd’hui, l’offertoire s’appelle préparation des dons ; il apparaît comme l’ouverture de la louange eucharistique; on pourra choisir de vivre ce moment dans la silence; si l’on chante, le Missel Romain propose que le chant accompagne la procession des dons; ce chant est donc un » processionnal »; cela signifie que si l’on ne fait pas de procession des oblats, il vaut mieux ne pas chanter.
LE SANCTUS
Le 1er critère de choix est sans aucun doute le fait que toute l’assemblée puisse « se joindre d’une seule voix à ce chant des anges et de tous les saints ». Il faudra donc exclure les sanctus plolyphoniques qui réduisent l’assemblée au silence. Il est pour cette raison sans doute pas trop utile de changer trop souvent de Sanctus si l’on veut que l’assemblée puis s ‘approprier les mélodies.
L'ANAMNESE
On veillera à ce que toute l’assembée puisse chanter cette acclamation ; Elle s’adresse directement au Christ; on comprendra les réticences concernant des chants comme « Christ est venu »…
LE NOTRE PERE
Si l’assemblée comporte des gens peu habitués aux célébration, on préfèrera la récitation, ce sera peut-être pour eux la seule prière à laquelle ils pourront se joindre; de toute façon le texte doit rester premier; on évitera donc toute mélodie sautillante qui détournerait le texte à son avantage.
AGNEAU DE DIEU
C’est le chant de la fraction et il devrait être interprêté à ce moment- là. Il n’est malheureusement plus compris comme un chant rituel qui accompagne le geste. On pourrait aussi choisir un » chant de partage » autre que la litanie » Agneau de Dieu ».
Il faut commencer par retrouver la valeur hautement significative de ce geste de la fraction du pain. La litanie est une forme binaire et devrait se faire avec une alternance de 2 partenaires; on évitera les formes aux polyphonies trop développées; cela risquerait de masquer cette forme litanique qui nous fait entrer dans le mouvement de la prière.
D’après le Missel Romain
et l’excellent livre de Philippe Robert : Chanter la liturgie, Editions de l’Atelier, 2000
Voir également : Chants de la messe dans leur enracinement rituel (Les) Joseph Gélineau Collection Liturgie – N° 13, 144 pages – juin 2001